Structuration des mots

Vous êtes peut-être déjà tombés sur des démonstrations du genre :

Aoccdrnig to a rscheearch at Cmabrigde Uinervtisy, it deosn’t mttaer in waht oredr the ltteers in a wrod are, the olny iprmoatnt tihng is taht the frist and lsat ltteers be at the rghit pclae. The rset can be a toatl mses and you can sitll raed it wouthit porbelm. Tihs is bcuseae the huamn mnid deos not raed ervey lteter by istlef, but the wrod as a wlohe.

A travers cet exemple, il semblerait qu’il soit possible de lire un texte dont les caractères ne sont pas nécessairement dans le bon ordre, sans que cela ne pose toutefois de réelles difficultés, entendu que les premières et dernières lettres soient à la bonne place et quand bien même il ne s’agirait pas de sa propre langue maternelle.

Trois remarques cependant. Tout d’abord, certains se sont amusés à se la jouer élitiste et à attribuer ce constat à une soi-disant étude de Cambridge. Il semblerait cependant que la vénérable institution ne soit en aucun cas impliquée dans une telle étude
Ensuite, cet effet ne marche que parce que les lettres de mots ne sont pas réellement mélangées; si l’on cesse de se limiter à permuter seulement 2 ou trois lettres, les mots deviennent incompréhensibles.

La dernière remarque vient après la lecture d’un texte de Mark Twain que j’ai découvert sur le site de Yann Ollivier : l’écrivain propose de simplifier l’orthographe des mots pour aboutir à un langage simple… Mais cette entreprise est vouée à l’échec, ce qu’il démontre de manière assez amusante. Je vous laisse juger :

A Plan for the Improvement of English Spelling – Mark Twain

For example, in Year 1 that useless letter “c” would be dropped to be replased either by “k” or “s”, and likewise “x” would no longer be part of the alphabet. The only kase in which “c” would be retained would be the “ch” formation, which will be dealt with later. Year 2 might reform “w” spelling, so that “which” and “one” would take the same konsonant, wile Year 3 might well abolish “y” replasing it with “i” and Iear 4 might fiks the “g/j” anomali wonse and for all.

Jenerally, then, the improvement would kontinue iear bai iear with Iear 5 doing awai with useless double konsonants, and Iears 6-12 or so modifaiing vowlz and the rimeining voist and unvoist konsonants. Bai Iear 15 or sou, it wud fainali bi posibl tu meik ius ov thi ridandant letez “c”, “y” and “x” — bai now jast a memori in the maindz ov ould doderez — tu riplais “ch”, “sh”, and “th” rispektivli.

Fainali, xen, aafte sam 20 iers ov orxogrefkl riform, wi wud hev a lojikl, kohirnt speling in ius xrewawt xe Ingliy-spiking werld.

Le texte final laisse à penser qu’un langage est bien plus qu’une suite de phonèmes : la graphie des mots semble avoir une grande importance pour la compréhension du texte. Si vous avez déjà pesté contre les “-aient” du français, rendez-vous compte qu’ils sont là pour votre bien, sans compter qu’il contribuent à faire de la langue de Momo la plus belle  du monde.

Ça me rappelle que j’ai souvent été frappé par la laideur de certains langages comme l’esperanto, le roumain ou l’italien (je veux dire… à l’écrit – à l’oral l’italien est très joli, surtout quand il est agrémenté de quelques gestes). Mais peut-être est-ce un pur atavisme voire un chauvinisme qui me laisse penser cela.

A propos du français, de l’anglais et de l’italien, je me souviens d’une étude qui m’avait été contée, et disponible dans l’article E. Paulesu – “Dyslexia cultural diversity and biological unity” , Science, 291 (2001) .
Selon cette étude, la dyslexie a une incidence très variable selon les pays, et cette dispersion serait due non pas à des spécificités neurologiques qui seraient propres aux ethnies (non, sans blague?!) mais au nombre des graphèmes différents utilisés pour exprimer un phonème.
Champions de la dyslexie : les anglais, avec leur “th”, “gh” “i” que l’on ne sait jamais comment prononcer (bizarement, on dit infinite “inefinite” et finite “faïnaïte”), tandis que les italiens s’en sortent mieux avec une langue qui se prononce comme elle se lit. Le français se situe, lui, au milieu.

Dernière découverte que j’ai faite : aviez-vous remarqué que seules les voyelles font vibrer vos cordes vocales?
– Certes, ce n’est pas une grande découverte : il s’agit de la définition d’une voyelle, mais je n’avais jamais fait le rapprochement!

Pour vous amuser, vous pouvez essayer de scrambler vos textes préférés :

C’est un toru de vdreure où cahtne une rviière,
Achacrcont fnellmoet aux hbrees des hnaolils
D’agnret ; où le seliol, de la maotngne fière,
Liut : c’est un piett val qui msusoe de ryoans.

[DISCLAIMER : ce post ne contient aucune analyse scientifique, et je vous laisse le soin de tirer les conclusions que vous voudrez, si dès fois vous souhaitez vous frotter aux linguistes]