Un humain peut-il voir un photon unique?

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“Can a Human See a Single Photon?”

Nouvelle traduction (version html) et une réponse à la question :

Un humain peut-il voir un photon unique?

(traduit depuis cette page)

L’œil humain est très sensible. Mais somme-nous en mesure de voir un photon unique?  La réponse est que les capteurs de la rétine peuvent réagir à un seul photon.  Cependant, des filtres neuronaux ne permettent à un signal d’être transmis au cerveau pour déclencher une réponse consciente que lorsque au moins neuf d’entre eux arrivent en coïncidence durant une fenêtre temporelle de 100ms.  Si nous pouvions voir des photons uniques quelque soit les circonstances, nous serions sujets à un “bruit” visuel bien trop important en environnement sombre. Ainsi, ce filtrage est un don, et non une faiblesse.

Certaines personnes ont affirmé qu’il était possible de voir des photons uniques en s’appuyant sur le fait que l’on peut voir les minuscules éclats de lumière qu’émettent, par exemple, certaines substances radioactives.  Il s’agit d’une mauvaise interprétation : ces désintégrations émettent en réalité un grand nombre de photons.  Il n’est pas non plus possible de déterminer la sensibilité de l’œil à partir de la capacité qu’ont le astronomes amateurs de voir des étoiles de faible magnitude à l’œil nu.  Leurs yeux sont limités par la lumière de fond avant que la limite de sensibilité ne soit atteinte.  Pour tester la sensibilité visuelle, une expérience plus minutieuse doit être conduite.

La rétine, située à l’arrière de l’œil humain, possède deux types de récepteurs, appelés les cônes et bâtonnets.  Les cônes sont responsables de la vision des couleurs, mais sont beaucoup moins sensibles que le bâtonnets dans l’obscurité.  En pleine lumière, les cônes sont actifs et l’ouverture de l’iris est réduite.  C’est ce qu’on appelle la vision photopique.  Lorsque l’on entre dans une pièce sombre, les yeux commencent par s’adapter en ouvrant l’iris, afin de permettre à plus de lumière d’entrer.  Pendant environ 30 minutes, il y a d’autres adaptations de nature chimique qui rendent les bâtonnets sensibles à des niveaux de lumière 10 000 fois inférieurs à ceux des cônes.  Après ce laps de temps, nous voyons beaucoup mieux dans l’obscurité, mais nous avons alors une très mauvaise perception des couleurs.  C’est ce que l’on appelle la vision scotopique.

La substance active dans les bâtonnets est la rhodopsine.  Un photon unique peut être absorbé par une seule de ces protéine, qui change alors de forme et déclenche un signal chimique qui est ensuite transmis au nerf optique.  La vitamine A aldéhyde joue également un rôle essentiel en tant que pigment pour absorber la lumière.  Un des symptôme d’une carence en vitamine A est d’ailleurs la cécité nocturne, due à une défaillance de la vision scotopique.

Il est possible de tester notre sensibilité visuelle à l’aide d’une très faible source de lumière au sein d’une pièce sombre.  Cette expérience a été menée avec pour la première fois avec succès par Hecht, Schlaer et Pirenne en 1942.  Ils ont conclu que les bâtonnets peuvent réagir à un photon unique en condition de vision scotopique.

Dans leur expérience, ils ont plongés leurs sujets pendant 30 minutes dans la pénombre afin qu’ils s’habituent à la vision de nuit.  Ils ont placé une source contrôlée de lumière 20 degrés à gauche du point que les sujets fixaient des yeux, de sorte que la lumière atteignent la région de la rétine pourvue de la plus forte concentration en bâtonnets.  La source de lumière était un disque sous-tendant un angle de 10 minutes d’arc et émettant un faible flash d’une milliseconde afin d’éviter un trop grand étalement spatial ou temporel de la lumière.  La longueur d’onde utilisée était d’environ 510 nm (vert clair).  Les sujets était invités à répondre si «oui» ou «non» ils avaient été en mesure de décerner le flash.  L’intensité lumière fut progressivement réduite jusqu’à ce que les sujets ne puissent plus que donner une réponse au hasard.

Ils ont établi qu’il fallait que 90 photons entrent dans l’œil pour obtenir un taux de bonne réponse de 60%.  Comme seuls 10% des photons arrivant sur l’œil atteignent finalement la rétine, cela signifie qu’environ 9 photons devaient atteindre les récepteurs.  Comme les photons étaient répartis sur environ 350 bâtonnets, les expérimentateurs ont pu conclure statistiquement que les bâtonnets répondent vraisemblablement à photons uniques, même si les sujets ne sont pas en mesure de voir de tels photons lorsqu’ils arrivaient de manière trop désordonnée.

En 1979, Baylor, Lamb et Yau ont pu utiliser les bâtonnets de crapauds placés sur des électrodes pour montrer directement que les bâtonnets répondent à des photons uniques.

Références

Julie Schnapf, “How Photoreceptors Respond to Light”, Scientific American, April 1987

S. Hecht, S. Schlaer and M.H. Pirenne, “Energy, Quanta and vision.”  Journal of the Optical Society of America, 38, 196-208 (1942)

D.A. Baylor, T.D. Lamb, K.W. Yau, “Response of retinal rods to single photons.”  Journal of Physiology, Lond. 288, 613-634 (1979)

Can a Human See a Single Photon?