Quelques subtilités de la langue française

Distinctions oral-écrit

Lisez cette proposition à voix haute :

Un sot cavalier tenait en sa main un seau, lequel contenait un sceau.
Tout d’un coup, son cheval fit un saut et les trois [so] tombèrent !

Comment écrire le [so] final ? sceaut? sceot?
Pourtant, dite à voix haute (ou vocalisé durant la lecture), ces phrases ne posent aucun problème … on voit bien qu’il y a là un petit souci!

Un solution, peu raisonnable, consiste à remarquer que le sot a pour sa part un esprit limité, ce qui nous permet de déclarer que “l’étroit sot tombe”. Mais est-ce vraiment satisfaisant?

Une solution partielle : l’euphonie

Si le cas précédent reste sans solution, il est des cas où l’écrit va pouvoir se moduler pour coller à l’oral. Par exemple:

Tu aimes les pommes? Manges-en !

Diantre! il y a un ‘s’ à la fin d’un verbe ! C’est pourtant un verbe du premier groupe à la deuxième personne de l’impératif (de l’indicatif) ! Pourtant, si on l’enlève… cela sonne bizarre!

La langue française permet, quand cela est nécessaire, de faire appel à l’euphonie.
C’est cette même euphonie qui rajoute des liaisons à tort et à travers
Aime-t-il les pommes?
J’aime le lieu où l‘on est !

Mais le plus beau, c’est quand l’euphonie vient au secours du bègue. En effet, ne devrait-on pas dire :
Que mange-je ? des des des popommes!
Pourtant, dans notre monde bien fait, on a le droit de dire :
Que mangé-je ? Des pommes !
Bien plus élégant et poli.

Le genre des choses

Une fois, alors que j’habitais à Singapour, quelqu’un qui connaissait les langues latines tout en étant anglophone me fit la remarque suivante : comment faites-vous pour connaître de genre (gender) de vos mots? Pour parlez vous d’une table et d’un stylo, alors que rien ne permet de leur donner un sexe.

Cela paraît tellement naturel à nous, francophone, que l’on n’y fait plus guère attention. Alors que pourtant cette question peut hanter durant une vie entière. Ma grand-mère me racontait que mon grand-père, polonais d’origine et naturalisé, n’arrivait que difficilement à associer un genre aux objets, poussant le mystère encore plus loin : pour lui, les couverts se lavaient dans le “l’évier” – étendant la question du genre et de la contraction plus loin encore.

A cette question qui m’était posée, donc, je réfléchissais et je formulai ce début de réponse : le genre, dans les langues latines, a une double vertu :

Il permet, au sein d’un phrase, de séparer l’agent de l’objet, l’actif du passif au sein du discours e.g., la victime et le bourreau ou mieux, pour des objets neutres en anglais, un couteau et une fourchette. On peut ensuite s’y référer par des pronoms avec un genre (le, la,elle, lui) ce qui permet de lever des ambiguïtés :
Elle va à gauche de l’assiette, tandis qu’il va à sa droite.
donnerait en anglais cette phrase sans queue ni tête:
It goes to the right, while it goes to the left.

Cela permet de formuler de manière plus concise un certain nombre d’idée. Ce principe semble puissant, et me paraît même expliquer pourquoi les adjectifs en anglais sont invariables. En effet, si les choses n’ont pas de genres, adapter un adjectif au seul nombre de l’objet qu’il qualifie semble vain. Tandis que, tout comme pour l’emploi des pronoms, donner un genre à l’adjectif peut être d’un grand secours.
Il y a dans cette pièce une table et un buffet. Elle est belle, et il est haut.
serait la encore très ambigu en anglais:
There is one table and one buffet in this room. It is beautiful, and it is high.

Tout comme l’allemand semble sourire aux philosophes car ils peuvent exprimer des idées très précises, le mécanisme du genre permet je pense, de considérer le monde en tant qu’agents et qu’objets, et teinte par là la moindre des réflexions que l’on peut avoir.
J’ai l’impression que c’est à l’aune du rôle principal que l’on peut déterminer le genre d’un nom en Français. Mais je n’ai pas de certitude là-dessus.

Pour finir, il est amusant de constater que les anglophones donnent parfois un genres à ce qui n’est pas humain. Les chats et plus généralement les animaux domestiques conservent leurs spécificités biologiques.
My cat is so cute.She just came into my arm !
Cela n’est guère surprenant.Ce qui est plus amusant, c’est lorsque l’on parle d’objets.Certains objets ont un genre en anglais, comme les bateau.
I just received my boat. She is so fast!
Le genre sert ici à marquer son affection!